Retour sur la leçon inaugurale de Jean-Marie PAUGAM, Directeur général adjoint de l'OMC

 

A l'occasion de la rentrée des Masters 2 portés par le CERIC, nous avons eu le plaisir d'accueillir le 15 septembre dernier M. l'Ambassadeur Jean-Marie PAUGAM, Directeur général adjoint de l'Organisation mondiale du commerce. Il a prononcé à cette occasion la leçon inaugurale de cette année universitaire 2023-2024 sur le thème : Un droit public de la mondialisation ? L'Organisation mondiale du commerce et ses défis.

 

Découvrez-en l'introduction ci-dessous !

 

 

 

Monsieur le représentant du Doyen, Vice-Doyen Mazeaud

Madame la Directrice du CERIC

Mesdames et Messieurs les Professeurs,

Mesdames, Messieurs,

Cher Romain Le Bœuf,

Chers étudiants,

 

Je salue parmi vous mon ami et mentor Yann Aguila, qui me fait la gentillesse d’être présent aujourd’hui.

 

Je suis sensible à l’honneur que vous me faites en m’invitant en ouverture de votre année universitaire.

 

L’honneur est teinté d’émotion quand je lève les yeux entre ces pierres et ces murs de la faculté de droit d’Aix-en-Provence. Je leur dois beaucoup. J’y ai été formé, j’y ai parfois un peu sué, c’était une époque où l’internet n’existait pas, l’intelligence artificielle n’en parlons pas. Pour étudier des jurisprudences ardues, il fallait déplacer de gros volumes dans la bibliothèque universitaire. Pierre Bourdieu a écrit un jour : "la sociologie est un sport de combat". Je n’irai pas aussi loin pour évoquer l’art de manipuler les manuels Dalloz et les recueils de jurisprudence, mais il est vrai que l’effort intellectuel avait alors cette composante physique, qui explique que, plus de trente années plus tard, l’on reste attaché à ce lieu. Madame la directrice, il a été remarquablement rénové d’ailleurs et l’endroit paraît idéal pour étudier : j’ai envie de revenir sur les bancs !

 

Entre ces volumes de pierre, je veux percevoir aussi l’esprit, peut-être la flamme, de certains des professeurs de cette Université, qui m’ont légué un capital de savoir et contribué à façonner ma réflexion. Ils sont aujourd’hui disparus et les remerciements que je leur adresse leur parviendront aujourd’hui là où vivent les âmes.

 

Je veux saluer la mémoire des Professeurs Christian Atias, Charles Cadoux, et Bruno Étienne. J’embrasse avec ces trois noms un champ académique et philosophique assez large.

 

Bruno Étienne, rue Gaston de Saporta, m’a appris le rôle des représentations et des symboles dans la généalogie des systèmes de valeurs qui structurent les relations de pouvoir, ce qu’il appelait le « pouvoir symbolique », ainsi que la nécessaire ouverture aux cosmogonies des autres, en particulier dans le domaine religieux.

 

De Christian Atias, j’ai retenu la relation entre les valeurs et le droit. Quand une norme devient-elle de droit ? À l’époque dont je vous parle, le Professeur Atias était assez fasciné par la pensée de Hans Kelsen, mais estimait que la norme fondamentale devait répondre à une valeur morale et inclure la notion de justice. Il les cherchait du côté du droit naturel.

 

Charles Cadoux, à la famille duquel je serais heureux que l’on rapporte mes mots et ma pensée reconnaissante, car il s’est éteint cette semaine, avait illuminé ma première année de droit en articulant la relation entre les rapports de force politique et les outils constitutionnels qui permettent de les organiser.

 

Systèmes de représentation, fondements moraux du droit, organisation constitutionnelle et relations de pouvoir, évidemment chacun de mes professeurs possédait un bout de la vérité sociale : les systèmes de représentation déterminent les rapports de force, les valeurs et l’organisation juridique qui les traduit dans les sociétés humaines.

 

Qu’ai-je fait de tout cela ? Pas une doctrine, bien qu’ayant hésité avec une carrière académique. J’ai brassé ces réflexions dans une vulgate et une pratique personnelle, qui, pas à pas, a forgé l’axe central de ma vie professionnelle : celui de la coopération internationale par le droit et sous l’égide du droit.

 

J’ai fini mes études à peu près au moment où prenait fin la Guerre froide et s’ouvrait une ère toute nouvelle pour l’organisation de la Société Internationale. Il s’agissait alors de substituer à l’équilibre de la terreur, une architecture qui soit fondée sur les rapports de droit plutôt que les rapports de force. Et cette question de l’architecture convoque évidemment tous les enjeux contenus dans les réflexions de mes trois professeurs : comment faire coopérer des systèmes de valeur et des organisations juridiques différents, des puissances hétérogènes, à partir de règles communes ? Comment s’assurer que tous respecteront ces règles ?

 

L’Organisation mondiale du Commerce a apporté, dans son domaine, des réponses originales à ces questions. Je voudrais vous les commenter en tachant d’observer le système à travers les yeux d’un personnage qui y joue un rôle important et auquel vous vous identifierez je n’en doute pas : la ou le juriste.

 

 

La suite sera à lire bientôt sous la forme d'un entretien sur le site de Confluence des droits_La revue.