L'expression de " dialogue des juges " peut-elle avoir un sens utile pour connaître ce qu'elle est censée décrire ?
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L'expression de « dialogue des juges » peut-elle avoir un sens utile pour connaître ce qu'elle est censée décrire ? La hiérarchie des normes n'est plus. Il ne sera désormais plus question que de « dialogue des juges ». Aucun écrit doctrinal consacré, plus ou moins largement, aux rapports de systèmes ne semble faire l'économie de l'usage de cette expression, soit pour lui accorder une place privilégiée si ce n'est préférentielle par rapport à la première, soit que la hiérarchie des normes n'est tout simplement plus mentionnée, le caractère suranné du concept ne méritant plus qu'il ne soit évoqué. L'expression de dialogue des juges participe d'une nouvelle appréhension des rapports de systèmes qui repose sur le réseau et donc sur le pluralisme juridique. A l'instar de la hiérarchie des normes pour les rapports entre les ordres juridiques, les « dialogue des juges » est l'élément structurant des rapports de systèmes « organisés » en réseau 1. Autrement dit, le « dialogue des juges » est désormais le concept dominant censé décrire la manière dont s'organisent les rapports entre les systèmes normatifs dans un contexte de globalisation. L'Etat classique aura été marqué par le triomphe de la hiérarchie des normes ; l'Etat post-moderne mondialisé appelle la recherche d'un nouveau paradigme : le dialogue des juges. Le succès de cette expression s'explique d'abord, non sans un certain paradoxe, par le caractère polysémique qui lui est reconnu. Le dialogue des juges dit tellement de choses que chacun pourra se l'approprier en lui donnant le sens qui lui convient. L'absence de sens premier clair favorise la multiplicité des sens potentiels susceptibles de lui être reconnus. Avec le « dialogue des juges », personne ne sait de quoi il parle, même si chacun présuppose un sens à cette expression. Le succès d'une expression qui n'est qu'une coquille vide étonne pour peu que l'on garde un minimum d'exigences scientifiques. A cet égard, si l'usage de l'expression est révélateur du niveau de la science du droit contemporaine, il est possible d'avoir quelques inquiétudes. Pour se rassurer, peut-être, il convient de mettre en évidence d'autres explications que ce flou sémantique qui entoure l'expression de « dialogue des juges ». Il est cependant à craindre que ces explications ne rassurent pas pour autant sur la culture scientifique qu'elles sont susceptibles de révéler. Cette expression renvoie en effet à un ensemble de valeurs dont elle est le reflet. Sa dimension axiologique constitue un motif décisif dans son succès. Plusieurs valeurs sous-tendent et favorisent l'acceptation du concept : 1 Si « ordre juridique » et « systèmes juridique » seront employés de manière synonymique, l'usage de « rapport de systèmes » est parfois défendu afin de dépasser les « rapports entre les ordres juridiques » (voir en particulier : B. Bonnet, Repenser les rapports entre ordres juridiques, Lextenso Editions, Forum, 2013, 207 p.) et c'est au regard de cet usage que les deux expressions sont différenciées dans la phrase. Nous entendrons par système normatif un ensemble normes juridiques ou non juridiques susceptibles d'être regroupés entre elles par différents types de liens qui en garantissent un minimum de cohérence et une unité. Le système normatif Google peut ainsi englober toutes les normes susceptibles d'être rattachées à l'entreprise américaine à l'origine du moteur de recherche. Le lien entre les normes est ici institutionnel. Dans un système juridique, le lien entre les normes sera établi par le rapport de production et l'existence d'une norme fondamentale à l'origine première de la production des normes dans le système.