Introduction dossier Initiative Citoyenne Européenne
auteurs
type de document
ARTrésumé
L'Initiative Citoyenne Européenne, consacrée par l'article 11 §4 du TUE, est rapidement abordée dans certains manuels de droit public, donnant l'impression d'un joli gadget au sein de l'UE. Ce jugement dépendrait exclusivement des résultats concrets de ce procédé qui est entre les mains de la Commission Européenne. Si l'acronyme est ICE, il conviendrait de l'entendre IFCE : Initative Finale de la Commission Européenne. De tels constats nous permettraient donc de banaliser le nouveau règlement 2019/788 réformant l'ICE, le bilan étant celui d'un verre à moitié vide. Si ces remarques paraissent un peu trop tranchantes, il est vrai que cet outil reste assez controversé, ce qui au final nous permet de dresser un bilan où immanquablement aux lumières s'interposent des ombres. En s'appuyant sur le droit comparé, il est approprié d'établir un lien entre les lois d'initiative populaire italiennes (LIP) et l'ICE ayant un même dénominateur commun : l'échec de deux instruments indirects d'initiative populaire (I). Tant les LIP que l'ICE partagent une législation de base squelettique renvoyant les détails à une législation supplémentaire. Cependant, sur ce point on peut constater qu'au faible déterminisme constitutionnel italien, les règlements parlementaires de ce pays se bornent à une mise en oeuvre limitée ne profitant pas des pages blanches de la Constitution. Si un des problèmes majeurs de l'ICE réside dans le fait qu'il s'agit d'un instrument de démocratie directe dont le dernier mot est laissé à un organe de démocratie indirecte, il faut relativiser aussi l'importance des outils de démocratie directe et participative, ces derniers n'étant pas subsidiaires mais complémentaires à la démocratie représentative. Si le TUE nous permet de percevoir les limites de ce mécanisme, la jurisprudence relative aux contentieux des ICE permet d'observer une certaine stratégie au service de la démocratie (II). Certes, le dernier mot revient à la Commission, mais cette dernière doit suffisamment motiver son refus de prendre une initiative législative. En effet, c'est dans les contraintes procédurales que l'ICE se différencie d'une pétition (art.227 TFUE) et c'est sur la base de ces dernières que se justifie un recours car les contraintes procédurales postulent une attente légitime des citoyens ne pouvant être complètement ignorée par la Commission qui pourrait abuser de son pouvoir. Cependant, ce dernier demeure important tant dans la procédure a priori (l'enregistrement de l'ICE) que dans la procédure a priori du recueil des signatures (la décision finale sur l'ICE). En dépit de ses aspects, l'ICE Minority Safe-Pack est un terrain propice pour tracer un premier bilan du nouveau règlement 788/2019 (III). En effet, les modifications apportées donnent un nouveau rôle au Parlement Européen : a priori, lorsqu'il émet une évaluation d'une ICE suite à l'audition de leurs promoteurs (art.14, §3 du règlement), a posteriori en donnant une évaluation par rapport à la décision de la Commission (art.16). De telles dispositions sont mises en oeuvre par l'article 222, al.8 et 9 du règlement du Parlement Européen (PE). Non seulement ces dispositions sont conformes aux dispositions du règlement ainsi qu'aux traités, évitant des modifications tacites du droit de l'UE par le droit parlementaire, mais dévoilent les potentialités de ce droit pouvant être une avant-garde pour le droit européen. En outre, la récente déclaration d'Ursula Von der Leyen quant à un engagement d'adopter une initiative législative, suite à une délibération du PE à la majorité absolue, permettrait la mise en place de conventions européennes facilitant le succès des ICE. Une telle situation s'avère probablement la solution la plus efficace, surtout à la lueur de la réforme du règlement 788/2019 traduisant une revalorisation de ce mécanisme au moyen d'une rationalisation de ses procédures, reflet d'une réforme éminemment fonctionnaliste (IV). D'autre part, il n'en saurait être autrement car les modifications législatives ne peuvent modifier le résultat final de l'ICE. Ce qui au final impliquerait des problèmes institutionnels d'ordre majeur car il serait difficile de confier une initiative législative à 1 million de citoyens alors que ni le Parlement Européen ni le Conseil de l'Union n'en dispose. Au fond, l'ICE est l'arbre qui cache la forêt, représentée par une démocratie représentative encore faible au sein de l'UE. C'est alors qu'il paraît que l'on a atteint les limites inhérentes aux récentes innovations régissant ce mécanisme. De cette façon, sauf éventuelles révisions d'ordre majeur, l'ICE semble être destinée à être la croix, et en même temps, le délice pour ses promoteurs.