La France face au traité de Rome. Des tactiques de découragement à une stratégie léonine (1955-1957)
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« Ainsi, à la fin de ce débat, qui doit se clore par un vote la semaine prochaine, va trouver sa conclusion devant notre Assemblée le grand dessein lancé à Messine, voici un peu plus de deux ans, par les six ministres des affaires étrangères des six pays de la C. E. C. A. où la France était représentée par M. le président Pinay, alors ministre des affaires étrangères du gouvernement Edgar Faure. Le gouvernement Guy Mollet a pris l'héritage de son prédécesseur sur ce point […] et a fait avancer la négociation de Bruxelles jusqu' à sa conclusion le 25 mars dernier à Rome » 1. En ouvrant les débats parlementaires devant aboutir à la ratification des traités instaurant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l'énergie atomique, le secrétaire d'État aux affaires étrangères, le radical Maurice Faure, amène à sa conclusion une nouvelle étape du processus de rapprochement entre les pays de l'ouest de l'Europe après deux années de négociations ardues. Dans cette quatrième République où les cabinets passent, mais où les hommes et parfois même les projets restent, la question européenne met à l'épreuve deux gouvernements-celui d'Edgar Faure et de Guy Mollet-pour être finalement achevée par celui de Maurice Bourgès-Maunoury à l'été 1957. Cet approfondissement de la Communauté européenne après la première étape fondatrice de 1951 est accepté sans enthousiasme par un régime à l'agonie où le contexte politique tant national qu'international force le plus souvent la main à des gouvernements éphémères. La C. E. E. ne fait pas exception. La France est encouragée, pour ne pas dire contrainte, par son allié américain puissant, mais non moins envahissant, d'accélérer son rapprochement avec ses voisins ainsi que de libéraliser son économie et surtout son système de fixation des prix dans le cadre de l'O. E. C. E. Mais durant cette période où les « événements d'Algérie » s'intensifient et où l'inflation est galopante, les préoccupations françaises sont ailleurs. Le recours aux vieilles méthodes, chères aux hommes du régime et à la haute administration, n'est pas remis en question sur la scène nationale. Pourtant c'est le constat que tirent Edgar Faure, puis Guy Mollet et leurs successeurs que l’avenir de la France est dans l’Europe et non plus dans l’Empire colonial qui conduit à l’acceptation progressive par les dirigeants politiques de la nécessité d’instaurer un Marché commun. C’est dans l’objectif d’instaurer un tel marché, plutôt supportable pour l’économie nationale peu habituée à la libre concurrence, que s’établit la stratégie française dans les négociations. Cette vision diplomatique sur le long terme est loin d’être définie en juin 1955 à l’issue de la conférence de Messine où fusent les idées de coopérations européennes.