L’écocide et le droit international, de la guerre du Vietnam à la mise en péril des frontières planétaires. Réflexions à partir de la contribution de Richard Falk : «Environmental Warfare and Ecocide. Facts, Appraisal and Proposals» (RBDI, 1973-1).

auteurs

  • Maljean-Dubois Sandrine

mots-clés

  • Crime
  • Environnement
  • Guerre du Vietnam
  • Écocide
  • Droit international
  • Droit humanitaire
  • Droit international de l'environnement

type de document

ART

résumé

Pour Richard Falk, «the state system is inherently incapable of organizing the defense of the planet against ecological destruction» . Le droit international stato-centré est certes peu adapté à un tel défi. Pourtant, au vu des développements impressionnants du droit international de l’environnement depuis 1973, aussi bien sur le plan conventionnel que coutumier, cette affirmation doit être nuancée. Le droit international de l’environnement a même connu quelques beaux succès, telle la restauration, en cours, de la couche d’ozone grâce au Protocole de Montréal de 1987. Force est de constater, malgré tout, qu’en dépit de la croissance du droit international de l’environnement les menaces environnementales mettent aujourd’hui en danger les conditions de vie de l’homme sur la planète . Les développements du droit pénal sont loin d’être la seule voie à explorer pour renforcer l’effectivité du droit international de l’environnement, mais ils en sont un moyen important. Or, plus de quarante ans après l’article de Richard Falk, l’écocide n’est toujours pas largement reconnu en droit international. La situation pourrait évoluer dans les années qui viennent en raison de l’aggravation des menaces environnementales, qui plaide en faveur d’un durcissement des politiques juridiques, mais aussi sous l’influence de deux facteurs : les développements du droit interne et le rôle de la doctrine. En effet, l’écocide fait l’objet d’une reconnaissance croissante dans les droits nationaux. De ce point de vue, «une dizaine de droits étrangers (…) ont introduit dans leur Code pénal le crime d’écocide qui s’entend du fait de détruire massivement la faune ou la flore, de contaminer l’atmosphère ou les eaux, et, plus largement, de commettre tout acte susceptible de causer une catastrophe écologique» . Le premier d’entre eux a d’ailleurs été… le Vietnam, qui définit l’écocide dans son Code pénal comme un crime contre l’humanité commis par destruction de l’environnement naturel, en temps de paix comme en temps de guerre . Dans le mouvement en faveur de la reconnaissance de l’écocide, la doctrine a joué un rôle important et elle doit continuer de pousser en faveur du développement du droit. Il faut saluer à ce titre le courage et le caractère visionnaire de Richard Falk. Ces dernières années, les propositions se sont multipliées. On mentionnera les propositions de l’avocate britannique Polly Higgins «Eradicating Ecocide», relayées par une initiative citoyenne européenne . Plus récemment, un groupe de chercheurs et praticiens a élaboré un ensemble de propositions précises et concrètes pour améliorer le droit pénal de l’environnement, à l’échelle aussi bien nationale qu’internationale. Ce projet, qui prend soin de distinguer les crimes environnementaux communs et «hors du commun», les écocrimes et les écocides, prône «une réprobation universalisée, mais graduée par des critères de gravité, une répression internationalisée, mais différenciée par des critères de diversité, et une responsabilité anticipée, mais modulée par des critères de tolérance» . Adapté aux nouvelles formes de criminalité, s’appliquant dans un conflit armé international comme interne, mais aussi en temps de paix, aux États comme aux entreprises ou aux «écomafias», articulant les échelles nationales et internationale, il prolonge le projet esquissé en 1973 par Richard Falk et dessine, peut-être, les voies de l’avenir.

article PDF

plus d'information