Les échecs normatifs
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OUVrésumé
L’échec se manifeste par un élément nouveau, le commencement de quelque chose qui, en fin de compte, n’est pas allé jusqu’au bout. Il y a eu une action (tel qu’un projet rédigé) à laquelle était affectée une finalité précise mais cette finalité n’a jamais été atteinte. C’est donc par la réunion de quatre critères que l’on reconnait l’échec : une intention, une action, une finalité et l’interruption subite du processus avant qu’il aille à son terme. La définition donnée vaut pour tout type d’échecs, y compris normatifs. Certains échecs normatifs semblent liés aux circonstances extérieures, par exemple les divisions politiques ayant entraîné le rejet par référendum du projet de réforme de la Constitution italienne en 2016. D’autres échecs paraissent s’expliquer à raison du contenu du projet, par exemple la Constitution européenne. Néanmoins, cette distinction causes externes/internes s’avère trop simpliste car, en examinant de près les deux expériences mentionnées, on constate que le contenu du projet de la réforme constitutionnelle italienne n’emportait pas l’unanimité (notamment l’idée de revaloriser le rôle du Gouvernement au détriment du Parlement) et, inversement, la Constitution européenne a été proposée à un moment de l’évolution de l’Union européenne, l’entrée des Etats de l’Est, qui fragilisait la cohésion. Il serait par conséquent réducteur de vouloir simplifier à l’excès les échecs normatifs selon qu’ils aient été causés par les circonstances ou par le contenu des textes. Le thème de l’ouvrage consiste tout au contraire à ne partir d’aucun préjugé déterminé, de manière à pouvoir évaluer librement les échecs normatifs ainsi que leur portée. Il ne faut pas non plus s’arrêter sur la forme pour déterminer s’il y a ou non échec. Un texte est un échec même lorsqu’il a été mis en application si sa durée de vie s’avère courte. Il en va ainsi de la Constitution de 1946, dans la mesure où une Constitution, en tant qu’acte fondateur, a vocation à durer sur le long terme. Pour la même raison, on ne peut pas conclure à l’échec d’un texte au motif qu’il n’a connu formellement aucune application. Le mot « application » est polysémique en droit : il peut s’exprimer à la fois dans l’adoption et dans l’absence d’adoption d’actes d’exécution, comme en témoigne l’article 47-1 al. 3 C. (les dispositions du projet de loi de finances pourront être mises en œuvre par ordonnance si le Parlement ne se prononce pas dans un délai de cinquante jours). Il n’a jamais donné lieu à application formelle, dans le sens où aucune ordonnance de l’article 47-1 al. 3 n’a été prise. C’est justement là que se situe sa réussite, ce texte ayant une finalité dissuasive.