« Les enjeux de la normalisation technique internationale ; entre environnement, santé et commerce international », (collab. E. Brosset), la documentation Française, Paris, 2006, 337 p.

authors

  • Truilhé-Marengo Eve

keywords

  • Normalisation science technique droit

document type

OUV

abstract

La prolifération des normes techniques au niveau local , national, régional ou international, et plus encore, leur « entrée » sur la scène juridique interroge. Cette normalisation a en effet des contacts avec le droit non seulement parce que très simplement, la production et l’usage de ces normes font l’objet d’un encadrement par le droit , mais aussi et surtout parce que ces normes peuvent avoir des effets en droit lorsque celui-ci en décide ainsi. Cet enchevêtrement entre la norme et la règle de droit ne pouvait que susciter l’attention des juristes. En droit français, si le décret de 1984 portant statut de la normalisation affirme que la norme est un « document de référence » et n'a aucun caractère impératif, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de protection de la santé et de la vie des personnes, il permet de rendre obligatoire par arrêté une norme homologuée ou reconnue équivalente applicable en France en vertu d'accords internationaux . Au plan international, à travers l’Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) et celui sur les obstacles techniques au commerce (Accord OTC), l’entrée en vigueur des Accords de Marrakech créant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a considérablement renforcé la portée des normes et standards techniques et aujourd’hui, toute politique nationale de protection de la santé et de l’environnement doit composer avec les exigences de la normalisation internationale. Avant 1995 et l’entrée en vigueur des Accords de Marrakech, les normes techniques internationales avaient juridiquement une valeur de simple recommandation. Les États étaient libres d’adapter ou non leur législation interne pour prendre en compte la norme internationale. De même, les États avaient le choix du degré de compatibilité entre leurs règlements techniques et les normes internationales. Ils appliquaient les normes techniques internationales en raison des avantages présentés par celles-ci comme l’assurance d’une meilleure protection des consommateurs, la réduction des coûts économiques, la facilitation du commerce national et international, etc. Le renvoi aux normes techniques internationales auquel procèdent les Accords SPS et OTC change la donne. Certes, dans l’affaire des Hormones, l’Organe d’appel a refusé de conférer aux normes internationales « une force et un effet exécutoires » et d’en faire des « normes contraignantes » . Cependant, la référence aux normes internationales, au premier rang desquelles figurent celles édictées par le Codex alimentarius, mais aussi celles de l’Organisation mondiale de la santé animale ou encore la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), est aujourd’hui si systématique, que certains affirment qu’elles sont passées « de l’incitatif à l’obligatoire » . Cette question n’a reçu jusque-là que des réponses souvent éparses et plutôt déséquilibrées. Si quelques études d’ensemble existent en droit français ou encore en droit communautaire , la doctrine, tout au moins francophone , est longtemps restée discrète s’agissant du phénomène de normalisation internationale et est encore aujourd’hui peu importante . Pourtant, les enjeux sont importants. Dans le système OMC, loin d’être absente, l’harmonisation réglementaire est donc réelle mais produite de manière exogène par une sorte de renvoi à des organisations, des conventions et autres accords multilatéraux. L’OMC aurait ainsi le rôle d’une sorte « d’exécutif international », les autres organisations se voyant reconnaître les pouvoirs d’ « organe législatif » . Dans ce contexte la production puis l’utilisation de ce bloc mal délimité –tant dans leur auteur que dans leur nature - de normes internationales ne pouvait rester une sorte d’« angle mort » dans la doctrine. Une question en particulier a rapidement pris corps : dans un contexte de « désarticulation » , de « fragmentation » du droit international, ces normes, recommandations, directives ne pourraient-elles pas jouer un rôle « d’articulateur » ? Ne pourraient-elles pas faciliter la coordination entre les obligations issues du droit de l’OMC et les obligations externes ? Ne pourraient-elles pas permettre, de manière plus discrète et donc peut-être plus efficace, une internormativité juridique, une meilleure articulation entre les valeurs et entre les branches du droit ? Au contraire, vont-elles être un facteur de perturbation supplémentaire aggravant le « bric-à-brac » qu’est le droit international ? C’est à cette série de questionnement que la recherche s’est efforcée d’apporter des réponses dans un domaine spécifique celui qui se situe à la lisière entre la protection de la santé et de l’environnement : la sécurité alimentaire.

more information